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Taxi et VTC Un virage inattendu pour l’hydrogène en Île-de-France

Taxi et VTC : Un virage inattendu pour l’hydrogène en Île-de-France

Par Eric GARLETTI

L’annonce de l’abandon de l’hydrogène par Hype en juin 2025 a agi comme un électrochoc dans le secteur du transport urbain. Cette entreprise exploitait la plus grande flotte de taxis à hydrogène au monde, avec près de 300 Toyota Mirai. Désormais, elle fait le choix radical de passer à l’électrique à batterie. Pourquoi ? Parce que les promesses de l’hydrogène n’ont pas résisté à l’épreuve du terrain.

Des coûts de carburant multipliés, sans gain opérationnel

En dix ans, le prix du kilogramme d’hydrogène a grimpé de 12 euros HT à 16-18 euros HT. En parallèle, le coût kilométrique de l’électrique est devenu cinq fois plus faible que celui de l’hydrogène. Pour les chauffeurs, le calcul est simple.

Faire le plein d’une Toyota Mirai ? Comptez 5 à 7 kg d’hydrogène, soit entre 50 et 105 euros à chaque passage à la pompe. Une charge électrique équivalente revient à moins de 20 euros. Et ce n’est pas tout.

Un réseau de stations qui ne suit pas

En France, moins de 100 stations hydrogène sont réellement opérationnelles. Leur coût d’installation dépasse 1 million d’euros par site. À comparer avec les 11 000 stations-service classiques et les 96 000 points de recharge pour véhicules électriques.

Résultat : un maillage insuffisant pour assurer la continuité de service, même en région parisienne. Les taxis doivent parfois parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour faire le plein, ce qui neutralise tout avantage supposé en autonomie.

Une filière industrielle en état d’alerte

Depuis 2024, plusieurs entreprises de la chaîne hydrogène française ont connu des revers majeurs :

  • McPhy, seul fabricant français d’électrolyseurs, a été placé en redressement judiciaire.
  • Safra, constructeur de bus hydrogène, également en redressement.
  • Hyvia, coentreprise Renault-Plug Power, a été liquidée début 2025.
  • Hopium, qui ambitionnait de rivaliser avec Tesla, a cessé tout développement automobile.

Un secteur qui vacille, miné par des coûts de production élevés, des retards technologiques et une demande qui ne suit pas.

Une concurrence verrouillée sur le marché francilien

Hype pointe une situation de quasi-monopole en Île-de-France, orchestrée par Air Liquide et TotalEnergies à travers leurs filiales HysetCo, Hy24 et TEAL. Le manque d’acteurs alternatifs empêche toute dynamique de baisse des prix.

L’hydrogène et les véhicules légers : un pari trop ambitieux

L’hydrogène, contrairement à l’électricité, nécessite une compression à très haute pression (700 bars), ce qui consomme beaucoup d’énergie.

Les réservoirs sont lourds, encombrants, et le rendement global du système hydrogène est très inférieur à celui de l’électrique à batterie. À cela s’ajoutent les risques de fuites et les contraintes réglementaires de sécurité.

Selon Hydrogen Mobility Europe, 99 % des usages couverts par les taxis Hype auraient pu l’être par un véhicule électrique de 430 km d’autonomie. Autrement dit : la technologie hydrogène n’était pas nécessaire pour ce type de mobilité urbaine.

Un recentrage vers le transport lourd

Progressivement, les acteurs du secteur déplacent leur stratégie vers les véhicules lourds. C’est là que l’hydrogène garde un intérêt logistique : camions longue distance, bus interurbains, trains non électrifiés, navettes fluviales.

Le projet HyTrucks, par exemple, prévoit la mise en circulation de 1 000 poids lourds à hydrogène dans les corridors européens d’ici fin 2025.

Des niches encore actives dans le transport léger

Malgré l’échec dans le secteur des taxis urbains, l’hydrogène n’est pas totalement évincé du transport léger. Certains usages subsistent :

  • Véhicules de transport de personnes à mobilité réduite, pour lesquels aucun modèle électrique n’offre une autonomie suffisante.
  • Flottes captives avec usage intensif, notamment en périphérie.
  • Véhicules de services d’urgence devant rester disponibles en permanence avec un temps de recharge réduit.

Un soutien public maintenu malgré les revers

La France continue d’investir dans la filière, avec 9 milliards d’euros prévus via le programme France 2030. Mais la stratégie évolue.

Depuis avril 2025, les aides à l’achat se recentrent sur les véhicules utilitaires équipés de pile à combustible. Un changement de cap clair : l’hydrogène ne vise plus les particuliers ni les petits rouleurs.

Une technologie qui cherche encore sa place

Les taxis et VTC ne trouveront pas de modèle économique viable dans l’hydrogène à court terme. L’électrique à batterie offre un meilleur rendement, des infrastructures plus nombreuses et un coût par kilomètre plus faible.

Pour l’hydrogène, l’avenir se jouera ailleurs. Peut-être sur autoroute. Peut-être sur rails. Mais plus dans les rues de Paris.

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