Il y a ceux qui passent l’examen, achètent ou louent une berline, téléchargent trois applis… et puis, au bout de six mois, la voiture est rendue, l’activité déclarée en cessation, et le rêve de liberté professionnelle évaporé. En 2025, le taux d’abandon dans le métier de VTC reste élevé. Et non, ce n’est pas qu’une question de motivation.
Un modèle économique plus serré que prévu
Sur le papier, gagner 3 000 € par mois en conduisant son propre véhicule a de quoi séduire. Mais à l’arrivée, les chiffres racontent une autre histoire.
Les revenus bruts peuvent varier de 1 500 à 3 500 € par mois selon les villes, les horaires, la météo et même les vacances scolaires. Or une fois les commissions de plateformes, les charges sociales, le carburant, l’entretien, l’assurance et la TVA déduits, beaucoup se retrouvent avec un revenu net de 1 000 à 1 800 € pour plus de 50 heures de travail hebdomadaire.
Depuis début 2025, l’ARPE a publié des données qui confirment l’essoufflement du secteur :
- Heetch : -40 % de rémunération horaire réelle.
- Bolt : -10 %.
- Uber : -5 %.
Et ces chiffres ne tiennent même pas compte des arrêts maladie ou des périodes creuses.
Des coûts mal anticipés
L’un des pièges fréquents : sous-estimer les coûts fixes et variables.
- Carburant : À 1,95 €/L en moyenne en 2025, une semaine à 1 000 km coûte plus de 140 € en diesel.
- Assurance VTC : Entre 1 200 € et 2 500 € par an.
- Entretien courant : Une révision tous les 15 000 km, des pneus tous les 30 000 km, des plaquettes, parfois une batterie, un embrayage…
- Comptabilité : Même en micro-entreprise, certains frais sont incompressibles, notamment la cotisation foncière des entreprises (CFE), parfois oubliée.
Le vrai problème, c’est que les nouveaux entrants n’ont pas toujours la trésorerie pour absorber ces dépenses les premiers mois.
Une charge mentale plus lourde qu’annoncée
Loin de l’image d’indépendance, le métier impose une organisation stricte et parfois usante.
- Horaires éclatés : Il faut souvent travailler tôt le matin, faire une pause en journée et reprendre le volant le soir. Les week-ends deviennent des journées “pleines”, surtout autour des soirées.
- Stress algorithmique : Les plateformes notent, trient, sanctionnent. Rater une course ou refuser une course courte peut vous faire perdre en visibilité.
- Pression à la notation : Un client mécontent peut faire chuter votre score sous le seuil “acceptable”, avec à la clé moins de courses attribuées.
- Isolement : Peu de contacts sociaux, sauf avec des clients pressés ou silencieux. Et la fatigue de conduite s’accumule plus vite qu’on ne le pense.
Le choc administratif
Passer de salarié à travailleur indépendant ne se fait pas sans heurts. Le choc administratif en décourage plus d’un.
- Création d’activité : RNE, SIRET, carte VTC, registre national, mutuelle, prévoyance, assurance professionnelle… Autant de démarches parfois floues.
- Choix du statut : Le micro-entrepreneur attire par sa simplicité, mais offre peu de déductions de charges. Une société (SASU, EURL) est plus adaptée à long terme, mais plus complexe.
- Formation continue obligatoire : Tous les 5 ans, 14 heures à financer soi-même.
- Cessation d’activité : Si vous abandonnez, il faut clôturer proprement : radiation, désinscription URSSAF, déclaration de TVA, lettre à la préfecture. Ceux qui partent précipitamment sans s’occuper de ça risquent des relances ou des pénalités.
Une concurrence qui tire les revenus vers le bas
Avec plus de 90 000 chauffeurs VTC actifs en France, le marché est saturé dans de nombreuses grandes villes. Sur les forums comme Uberzone, les messages de désillusion se multiplient. “L’avenir du VTC est sombre. Il y a trop de chauffeurs, et les taxis reprennent du terrain.” – Un utilisateur, janvier 2025.
Cette surabondance crée des tensions :
- Moins de courses par chauffeur.
- Courses plus courtes et donc moins rentables.
- Tarification imposée par les plateformes, avec des majorations qui disparaissent peu à peu.
Certains espéraient arrondir leurs fins de mois. D’autres voulaient en vivre. Mais rares sont ceux qui s’étaient préparés à devoir enchaîner les 12h de conduite sur des marges aussi minces.
L’erreur stratégique du “tout Uber”
Beaucoup de débutants misent tout sur une seule plateforme, pensant que la notoriété suffit. C’est une erreur.
- Uber a le plus grand nombre de passagers… mais aussi le plus grand nombre de chauffeurs.
- Bolt et Heetch proposent des commissions plus basses, mais sont moins implantés dans certaines villes.
- Ne pas se diversifier, c’est devenir dépendant d’un algorithme qui peut changer sans préavis.
Les pros conseillent de travailler avec au moins deux applis, de se créer un site vitrine (via Google Business) et de fidéliser une clientèle direct comme les hôtels, les restaurants ou les conciergeries.
L’arrêt d’activité : un coût mal anticipé
Abandonner l’activité n’est pas neutre. Il faut solder les dettes, clôturer les comptes, parfois vendre un véhicule acheté à crédit. Si vous résiliez votre leasing avant le terme, cela peut vous valoir des pénalités. Votre crédit auto est toujours là et il faut le rembourser. Il faudra également régler vos cotisations sociales, même sans revenu. Et bien sûr vous perdez tout ce qui n’est pas “récupérable” : formation, carte pro, équipement (terminal CB, appli payante) rarement récupérables.
Tout n’est pas perdu d’avance
Avant de se lancer, mieux vaut être préparé. Voici quelques conseils concrets pour faire de votre carrière VTC une réussite :
- Faites vos calculs : Budget mensuel, seuil de rentabilité, carburant, frais cachés.
- Commencez à temps partiel si vous le pouvez.
- Ne vous endettez pas dès le départ pour un véhicule haut de gamme. Testez d’abord la viabilité de votre activité.
- Formez-vous en comptabilité et en fiscalité de base.
- Intégrez une communauté de chauffeurs pour échanger astuces et retours d’expérience.
Si la liberté est réelle, elle a un prix. Et en VTC, mieux vaut savoir compter avant de se lancer que compter ses pertes après coup.


